Cette année, l’hiver a manqué son rendez-vous. Ses journées froides et ses nuits glaciales se comptent sur les doigts d’une saison fantasque, qui a écarquillé ses températures au point de la confondre avec la douceur de ses voisines et certaines de leurs humeurs les moins attrayantes, giboulées, brouillards et autres grisailles généralisées. Même les fleurs en ont leurs corolles chamboulées et les arbres, leurs bourgeons éclatés. De cette situation inversée, nous sommes lamentablement responsables.
Alors quand, le temps d’une nuit, le givre a serti les étoiles, l’aube bleutée nous a offert une sensation hivernale que nous réclamions tous, lunatiques que nous sommes ! En effet, comme nous savons si bien nous plaindre et nous languir du printemps quand l’hiver se montre plus rigoureux que nous… La crainte est toujours au bout de nos expressions, celle de voir arriver le printemps trop vite, celle d’un gel saisonnier qui pourrait griller les récoltes, celle d’une terre détrempée qui ne pourra accueillir aucune graine, ni même un pneu de tracteur. Nous croyons toujours que le ciel nous tomber sur la tête, alors que nous vivons la tête à l’envers et agissons de travers pour la terre.
Le temps d’une promenade, le long d’un chemin forestier en moyenne montagne, j’ai eu la chance d’observer le givre d’un peu plus près, au ras du sol pour tout dire, de découvrir ses diamants minuscules et ses parures sculptées par le vent et l’eau, portés par un souffle sibérien. Les aiguilles des bogues de marronniers devenant les hôtesses d’un tel trésor. Un tapis d’automne pour le passage furtif de l’hiver. Le duvet de la doudoune, qui n’a jamais si bien porté son nom, s’avère être un précieux matelas pour éviter les piqûres de ces dards parfaitement pointés vers le ciel, bien sûr ! Ainsi protégée, le voyage pouvait commencer.
Et de piquer du nez devant ces micro-paysages comme issus d’un big bang, puis de l’ère glaciaire pour former une planète lointaine, merveilleuse et revêche. Les bogues en chutant pour lâcher leurs fruits dans la nature et faciliter les épargnants à quatre pattes, ont littéralement explosé. De ces bombardements inoffensifs, ces capsules hérissées sont restées de glace et ont ravi mon regard de leur effet en trompe-l’œil. Bien sûr, ces piquants en boule posés sur le sol blanchi par le gel ne pouvaient qu’évoquer le hérisson qui se recroqueville dès que le danger s’approche. Mais de là à le distinguer quand il pointe son museau…
Plus que des mirages, ce sont là des liens qui tissent tous les affluents de notre planète. La nature en a le secret et nous le livre à delta ouvert. Que tout soit ainsi lié autour de nous, nous compris, est une évidence qui a le sursaut de nous faire réfléchir et vivre, afin de retrouver les pieds sur terre, entendre encore crier dans les rues, « chauds, les marrons ! », garder les glacés pour les Fêtes, histoire de remettre l’hiver à l’endroit…
© sylvie blanc – l’envol des jours 2014
Quel bonheur, quel magnifique émerveillement que ce givre et ces cristaux… Ces coques en forme de petits hérissons, quelle douceur que ces photos et ce texte qui vient nous parler de la fragilité de ce qui nous nourrit chaque jour… Qu’est ce que c’est beau et important que toi aussi tu nous le dises… Je suis sûre qu’un jour nous aurons l’occasion d’applaudir un beau coucher de soleil… Quelque part dans ce monde merveilleux… Merci Sylvie…
Merci Christine pour ce que tu écris, cela me touche beaucoup car il y a là en résumé tout ce qui m’anime quand je suis dans la nature : rester émerveillée à chaque instant, approcher les mystères du vivant et admirer ces parcelles de beauté qui sont tout près de nous. Et cela où que nous soyons….
merci chère Sylvie pour cette merveille glacée. quelle trouvaille que « les petits épargnants à 4 pattes » ça m’a bien amusée. les bogues de marrons m’évoquent le bois de Boulogne et la rentrée des classes. quant au hérisson s’il a toujours ses piquants il a perdu son « h » aspiré dixit la nouvelle grammaire… ainsi on dira « un nérisson » « cet hérisson » (même s’il n’y en qu’un…) et « des zérissons ».je m’instruis au soutien scolaire… c’est la fin des zaricots.
bien à toi
Ah oui la langue française souffre aussi, peut-être même plus que la nature ! Dans les 2 cas, la même attitude, de l’attention et du respect, ce qui aujourd’hui n’est pas gagné d’avance… merci chère Anne pour votre visite ici qui me fait toujours plaisir !
Si la nature se fait parfois cruelle envers les hommes, dévastant tout sur son passage, elle sait aussi nous laisser de merveilleuses traces sur notre
terre. A nous, de savoir s’y arrêter, pour mieux y figer les instants suprêmes de beauté, comme tu viens de nous les offrir, Sylvie.
Tu as raison, Gigi, d’évoquer ici la violence de situations extrêmes et extrêmement préoccupantes aussi bien pour les hommes que pour la planète, saisir ces instants de beauté est d’autant plus important. Merci pour ta visite et ta sensibilité qui me touche beaucoup.
ravissant! 🙂
Blandine, tu m’en vois ravie…! merci pour ta visite 🙂