l’hôtesse de l’herbe

Lorsque les insectes sortent comme par enchantement de leur léthargie hivernale, ils trouvent tout de suite une place de choix au milieu de ce que la prairie, le jardin, les talus leur proposent. Ils sont attirés instinctivement vers une plante, … Lire la suite

pile ou face

  Avec élan, l’hiver, tu remplaces, Cette année, les degrés s’exilent, Il semblerait que tu le déplaces, Et notre moral devient versatile.   Ta douceur était bien trop fugace, Avril ne s’est pas découvert d’un fil, La pluie dans l’herbe … Lire la suite

de l’émergence à l’envol

de l’émergence à l’envol

Assister à l’éclosion du vivant est certainement l’émotion la plus bouleversante qui nous est donnée à vivre. Sans doute parce que tout l’avenir s’écrit dans l’intensité de ce présent, dans la lenteur qui s’appuie sur le temps qu’il faudra pour donner force et vigueur à cet instant unique. Peut-être aussi parce que, n’ayant aucun souvenir de notre premier souffle, nous recherchons sans cesse le goût de cette première respiration afin de comprendre ce que nous sommes et de donner sens à ce que nous vivons. De même, cette quête incoercible peut nous aider à accepter tous les cycles de la vie, tous, jusqu’au dernier.

Avant d’émerger, les libellules vivent depuis belle lurette sous forme larvaire au fond des eaux douces et vaseuses. Elles sèment déjà la terreur dans la mare en avalant cru tout ce qui bouge, d’où leur mauvaise réputation d’être de redoutables prédatrices !

Après des mois, voire des années, elles s’apprêtent à quitter le milieu aquatique pour commencer leur dernier cycle de vie et passer la belle saison dans l’atmosphère.

En regardant leur larve dotée d’une coque rabougrie, de couleur indéfinissable, et d’une tête globuleuse, il est bien difficile d’imaginer la réserve de beauté, de grâce et de couleurs blotties à l’intérieur. A moins de convoquer l’enfance, de faire revivre ce ravissement (et ce soulagement) lorsque Peau d’âne dévoile enfin son secret…

Pendant une nuit un peu plus chaude que les autres, les scaphandres décident de mettre le casque dehors et de se hisser sur le premier roseau venu. Quelques courageux tentent l’exploration de ce nouveau monde en choisissant alentour la délicatesse et le parfum d’une fleur… Mais l’heure est grave, le danger latent. Les amphibiens rôdent. Ils ont connu le désert des têtards et comptent bien prendre maintenant leur revanche. La guerre de la mare est déclarée. Bien camouflés dans la vase, ils guettent les nouvelles recrues. Ils n’ont surtout pas besoin de reflets dans leur œil d’or pour être prêts à bondir à la première occasion. Ici les crapauds n’attendent pas le baiser de la princesse, ni les grenouilles celui du prince. Et, pour les larves, impossible de faire pattes arrière.

Pour les odonates (et soit dit en passant, pour toute manifestation de la vie), c’est à ce moment-là que tout peut arriver, le meilleur ou le pire.

Le temps peut brusquement changer de conjugaison, plonger dans les regrets du passé, basculer dans les illusions du conditionnel ou s’ouvrir au présent gagné.

Alors,

pour toi, libellule en devenir,

pour toi, l’humaine personne,

écoute en silence

la prière du vent souffler sur les joues du jour naissant

surtout ne plus bouger,

souhaiter que rien, vraiment rien,

ne vienne troubler ce passage fragile de l’exuvie à l’imago

s’accrocher au silence bleu de la nuit,

s’accorder aux premières lueurs du jour,

tenir jusqu’à ce que le bouclier se déchire doucement,

laisser passer la tête la première,

sentir l’arc du corps se déployer,

laisser flotter les ailes dans l’air neuf,

accueillir les pattes fines et poilues,

croire en la chaleur promise pour sécher, durcir les ailes et révéler les couleurs,

rester là encore un peu,

oser se détacher déjà des filaments de l’entre-deux,

sentir les ailes s’ouvrir d’un coup,

surprendre les regards qui ne t’ont pas vue pivoter,

jouer avec les effets de lumière et de transparence,

écarter ces peurs qui te feraient lâcher-prise et ne te relèveraient pas,

une pierre, une branche, une fiente d’oiseau, tombées du ciel,

les vibrations du sol sous les pas

le toucher mortel d’une main,

ne compter que sur les premiers rayons du soleil pour déclencher l’envol,

vivre dans l’absolu cette expression qui dit que la vie ne tient qu’à un fil…

et enfin, savourer ce miracle en somme,

admirer ces demoiselles et filles de l’air qui s’élancent, souples et légères dans le vent, reviennent nous saluer d’un vol brièvement stationnaire, repartent déjà en rasant l’eau à toute berzingue, se posent sur un perchoir de fortune, (bien le repérer celui-là, car elles y reviendront souvent !), cherchent compagne ou compagnon, s’envolent au loin vers leurs nouvelles aventures…

© sylvie blanc – l’envol des jours 2012

pour continuer, un film à voir : Chronique de libellules

des images inédites et extraordinaires, particulièrement sur la vie aquatique de la libellule !

voir un extrait ici

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