d’amour bleu

d’amour bleu,

Cela ne dure que quelques jours en été. Soudain, la chaleur s’installe et plus rien ne bouge. Ou presque. C’est comme une nuit sans nuit. La chaleur éteint le temps sur son passage. On soupire avec elle au mois d’août, la regrette déjà en novembre pour l’attendre vainement en avril. On la dit alors écrasante, presque verticale, tant elle chute sur nos élans. Elle retient notre souffle autant que le moindre de nos gestes. Elle s’abstient de nos paroles, étouffe le chant, écarte les sons, mis à part peut-être un crissement de pneus au loin. Elle a l’art de s’imposer là où l’ombre n’a plus de prise et de poser les couleurs à terre. Fade, pâle et gluante, elle invite au retrait, aux volets fermés et à la saveur retrouvée d’un verre d’eau fraîche.

Etre au milieu d’une friche au zénith de ces jours d’été devient alors une expérience singulière. Comme franchir une limite, transpercer le mur du silence, s’engouffrer dans une ébullition d’ailes froissées, d’élytres percussifs et de butinages tous azimuts. Ces vibrations allègent l’air et on peut risquer de poser ses pas tout doucement près des hautes tiges. Il ne reste plus qu’à se fondre dans cette suractivité, à ne plus bouger pour observer et écouter toute la vie qui grouille autour de soi. Les insectes jubilent. Leur vie virevolte d’une fleur à une autre, leur bien-être pétille sur les pétales. L’été se concentre enfin et bourdonne de joie. Le ciel danse sous ces arabesques minuscules. La terre reste bien vivante !

A deux pas de là, la couleur bleue entre en scène discrètement. Un bleu tendre et doux se détache et retient toute l’attention. Viennent ces mots posés sur les pages d’un livre : « le bleu ne fait pas de bruit » *. L’amour non plus. Des mots sur une page, des ailes sur une tige, la vie est légère. Cette vie qui circule. Cette vie qui rassemble. Et continue. Deux papillons d’azur s’accouplent en silence. Rien ne les dérange. Ils sont là, de passage, pour transmettre un peu de leur vie brève. Et transformer la chaleur en émerveillement. Le cycle de vie d’un papillon, comme le nôtre, n’est que métamorphoses.

© sylvie blanc – l’envol des jours 2012

 

* Livre de chevet : Une histoire de bleu © Jean-Michel Maulpoix

Editions Mercure de France ou Poésie Gallimard (format poche)

à suivre sur le site de Jean-Michel Maulpoix

 

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sur la route, la brume matinale

sur la route, la brume matinale

A la différence du brouillard, la brume matinale ne retire rien du paysage et ouvre en douceur les portes de la rêverie. Pendant la nuit étoilée, un nuage curieux a eu envie de changer d’air, de goûter la terre et d’y déposer en toute discrétion ses perles célestes. Puis, aux premières lueurs du jour, de soulever pudiquement son étole afin de révéler les secrets d’une campagne que nos habitudes négligent d’observer. En bouchant l’horizon, le brouillard diffuse son opacité, son inquiétude et déforme ce qu’il trouve sur son passage, nos humeurs comprises. Il aura besoin de la force du vent pour disparaître. Alors que la brume s’allège et s’évapore imperceptiblement sous la chaleur d’une journée de fin d’été. Elle nous rapproche du paysage, nous oblige à concentrer nos regards fugaces sur l’essentiel.

C’est sans doute la raison pour laquelle la brume matinale soulève des émotions que le brouillard engloutit. Peut-être celles du privilège d’assister à la naissance du jour et des bénéfices de cette caresse sur nos élans. Quand les fantômes du brouillard ne font qu’épaissir la latence d’une mélancolie et accentuer le déclin d’une saison, les lutins de la brume invitent notre être à l’enchantement, nos cœurs à l’apaisement. La route, les heures, et plus largement, l’énergie de nos existences, n’en seront que meilleures.

© sylvie blanc – l’envol des jours 2012

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