mythique rencontre aux sommets

apollon 1 ©sb2013

A l’instar de l’aigle royal pour les oiseaux, le papillon Apollon est l’emblème des insectes montagnards. Doté de ce nom divin, il ne peut que nous inviter à prendre de la hauteur ! Présent en montagne dès 1000m, dans les prairies sèches et très ensoleillées, rocailleuses, où poussent les chardons, les centaurées et autres scabieuses sans oublier les orpins (sa plante-hôte), l’Apollon (Parnassius apollo) fait partie de la famille des Papilionidae (comme le Machaon, le Flambé etc), donc un papillon de grande envergure. Ce n’est pas par hasard s’il est considéré comme l’un des plus beaux papillons d’Europe, au point qu’il existe plusieurs timbres à son effigie.

apollon 2 ©sb2013Ce n’est pas un papillon rare mais il se raréfie. Nul besoin de jouer les Cassandre, l’Apollon devient hélas une espèce menacée. De fait, il est protégé par la convention de Berne. A certains endroits, on peut trouver une colonie d’individus, à d’autres des présences éparses, ailleurs, dans le Jura par exemple, il a disparu. Le changement des pratiques pastorales a pour conséquence de supprimer le biotope favorable pour les espèces autochtones, dont l’Apollon. Pour une fois, ce ne sont pas directement les pesticides qui font reculer sa population mais la douceur des hivers au cours de ces dernières décennies. En effet, l’Apollon a besoin de la neige et de températures glaciales pour vivre ses nymphoses alors que sa chrysalide cherchera les endroits les plus exposés au Sud pour qu’il devienne imago. C’est pourquoi, il vit de plus en plus haut. Il vole en une génération de fin mai à mi-août, voire jusqu’à début septembre.

apollon 3 ©sb2013A quelques mots près, vous trouverez facilement tout ce que je viens d’écrire en cherchant dans les livres, en surfant sur le web. Sur le terrain, comme souvent, ce n’est pas aussi simple mais tellement plus beau ! Ne pas hésiter à consacrer du temps hors saison à des balades au grand air pour les repérages puis se laisser aller à l’attente, à la rêverie et à toute forme de promesse. Le moment viendra bien, tôt ou tard. Cette année, avec le printemps désastreux, ce fut plus tard que prévu. Au passage, je remercie mon ami Benoît qui m’a suggéré d’aller me promener vers les pentes du versant Sud au-dessus de son village dans la Vallée Verte. Grâce à ses précieuses indications, j’ai découvert en bord de route, des prairies en apparence quelconques, mais si animées pour qui aime les petites bêtes, auprès desquelles les randonneurs passent sans y prêter beaucoup d’attention… Me voilà donc bien tranquille pour explorer ces friches que j’aime tant et lever la tête.

apollon 4 ©sb2013
L’Apollon, qui n’a rien d’une fusée mais tout d’un planeur, est arrivé tranquillement avec ce vol large et ondulant dont il a le secret, comme ces grands voiliers qui traversent l’horizon, venus de nulle part pour aller vers un ailleurs que nous ne connaitrons pas, laissant en nous cette signature d’écume, le bonheur de les voir, la sensation de l’éphémère et le trouble fugace de la mélancolie, celle de rester sur le sable à les regarder. L’Apollon est là et ça change tout ! La friche quitte ses oripeaux, les hautes herbes dansent sous le vent, se courbent en une révérence synchronisée pour l’accueillir et le mener tout droit vers ses prestigieux chardons.

apollon 5 ©sb2013
Alors, je pense à cette phrase célèbre de Paul Claudel :

« Même pour le simple envol d’un papillon, tout le ciel est nécessaire ».

Oui, soudain, il est là, beau comme un dieu, voltigeant au-dessus de tous ceux qui ont pattes et pieds sur terre, jouant de sa transparence avec la lumière pour être encore plus majestueux, se posant avec élégance sur des pétales choisis avant de s’offrir un festin de nectar, à la manière de la mission Apollo 11 juste avant que Neil Armstrong ne grave le premier pas humain sur la lune.

apollon 6 ©sb2013
L’Apollon me regarde comme si on se connaissait depuis toujours. Car il a beau être le roi en son royaume, il se montre abordable et familier, autrement dit coopératif quand il s’agit de lui tirer le portrait. Il gravite autour de la fleur, déploie ses ailes au piqué unique, inscrit sa présence sous le sceau de ses ocelles stendhaliennes qui ne sont en fait que des leurres pour tromper ses ennemis. Qu’importe, en cette belle journée d’été, il me plait de rêver, émerveillée, à un monde harmonieux, face à cette galaxie lilliputienne, oui, de regarder, au coeur de cette voie lactée, des planètes paisibles où le rouge et le noir s’épousent enfin et pour toujours. Et de vivre pleinement cet instant sur terre avec « la joie adorable de la paix solaire » (quelques battements d’un poème de Guillaume… Apollinaire)

apollon 7 ©sb2013

C’est tout cela, l’effet Apollon !

© sylvie blanc – l’envol des jours 2013

apollon 8 ©sb2013


Commentaire

mythique rencontre aux sommets — 6 commentaires

  1. magnifique comme dab! je suis toujours épatée de tes connaissances… papillonnesques et autres!où-donc es-tu allée chercher ces merveilleux clichés? j’en conclus que tu as passé de belles vacances.
    « mais hélas les beaux jours sont si courts »…

    • J’ai photographié l’Apollon pendant le mois d’août, au retour des vacances, dans la montagne à une trentaine de kms de chez moi (versant sud). Sa présence a bien adouci la reprise… Merci Anne pour votre visite, bel automne !

  2. Je me laisserai bien séduire par ce bel Apollon qui a comme des petits cœurs sur ses ailes (Dernière photo)… Je vais y regarder de plus près l’été prochain si je suis dans le coin… C’est magnifique Sylvie. Moi aussi je vais me laisser rêver à cette harmonie et à tout cet espace… Merci pour ce moment de paix tellement éphémère… Et puis…

    « Celui qui pour aimer ne cherche qu’une rose, n’est sûrement qu’un papillon. »
    Rivarol

    Je me rends compte en te lisant que l’été a été trop long et ces rêveries m’ont manqué… Reviens nous dès que possible…

    Christine

    • Merci Christine pour ta lecture attentive et ces quelques mots de Rivarol qui vont voleter autour des papillons dès l’an prochain. Quant à l’été… les histoires, les photos ont pris des vacances bien réelles en s’exposant (à l’ombre !) sur les murs, je reviendrai prochainement sur cette aventure, j’aime déposer un peu de temps sur les évènements essentiels… 😉

    • s’envoler et survoler les prairies et les montagnes sur les ailes de l’Apollon, tel Nils sur son oie sauvage, quel rêve! mieux vaut rester sur terre pour que ton voeu se réalise et vite, Gigi 😉 !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.